Regarder un souvenir : tentative.
De quelle manière montrer à moi-même le temps qui passe et qui, passant, efface, modifie, menace et met au défi de retrouver le même ? Il y a là de l'inutile, comme tout jeu. Des règles aussi : accepter ce que le verdict de l'émotion prooncera, ne pas enjoliver, et d'autres plus implicites.
Soit un petit canal (un rio) vénitien aperçu depuis l'ouverture sur laquelle débouche en impasse une ruelle. Un matin d'août 2007, un ciel légèrement nuageux. Un soleil timide. Mes souvenirs ne m'en disent rien ; la photo me l'indique.
Mon premier mouvement : renvoyer l'image dans un passé déjà inaccessible.
Non, ce serait un passé trop lointain ! Quelque chose comme mon enfance, l'époque de la télé qui n'avait qu'une chaîne, l'ORTF, des progremmes en soirée. Quarante années en amont. Il me reste encore des couleurs, mais travaillées par le plaisir de Venise. Quelque chose de chal-heureux. Comme cela ?
Il y a de cela. Si ces couleurs disent bien l'épaisseur d'histoires accumulées qui, déposent, l'une après l'autre, des affects, elles effacent, à leur manière, les bâtiments. Il faut peut-être garder quelque chose de la puissance du lieu, et laisser de côté l'excès des valeurs de rouge, de jaune et de bleu.
Je me souviens bien de cela, lorsque je lis un album de Corto Maltese, alors même que Hugo Pratt ne se perd pas dans les détails. Ce n'est toutefois pas mon souvenir de ce moment ; il s'agit plutôt de mon souvenir réactivé par une lecture. Ou ce que j'ai vu, le regard empli des dessins de Pratt. Et si je n'avais pas regardé Venise, mais cherché dans ces lieux ce qu'un autre m'en avait fait attendre ? Ai-je bien parcouru les vestiges de la Sérénissime ?
Tentative échouée sur la lagune ?