Le ciel.
Les nuages fascinent. Avec eux, le ciel propose son livre : il suffit de le regarder avec attention, des personnages apparaissent, se transforment, des intrigues se nouent , n'arrivent pas toujours à leur terme. L'enfance laisse son imagination saisir ces occasions de rêverie. Il reste à l'adulte les souvenirs de cette familiarité avec l'éclosion des formes et du sens dans le ciel. Peut-être est-ce ce qui fait que certains cherchent toute leur vie à mériter le ciel. D'autres se contentent de l'aimer.
L’étranger
Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? Ton père, ta mère, ta soeur ou ton frère ?
- Je n'ai ni père, ni mère, ni soeur, ni frère.
- Tes amis ?
- Vous vous servez là d’une parole dont le sens m'est restée jusqu'à ce jour inconnu.
- Ta patrie ?
- J'ignore sous quelle latitude elle est située.
- La beauté ?
- Je l’aimerais volontiers, déesse et immortelle.
- L’or ?
- Je le hais comme vous haïssez Dieu.
- Eh ! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?
- J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages !
Charles Baudelaire, Le spleen de Paris I (Petites poèmes en prose)